Article premier
L'enseignement primaire comprend : L'instruction morale et civique ; la
lecture et l'écriture ; la langue et les éléments de la littérature française
; la géographie, particulièrement celle de la France ; l'histoire, particulièrement
celle de la France jusqu'à nos jours ; quelques leçons usuelles de droit
et d'économie politique ; les éléments des sciences naturelles, physiques
et mathématiques, leurs applications à l'agriculture, à l'hygiène, aux
arts industriels, travaux manuels et usage des outils des principaux métiers
; les éléments du dessin, du modelage et de la musique ; la gymnastique
; pour les garçons, les exercices militaires ; pour les filles, les travaux
à l'aiguille.
L'article 23 de la loi du 15 mars 1850 (loi Falloux,
ndlr) est abrogé.
Article 2
. Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre
du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent,
à leurs enfants, l'instruction religieuse en dehors des édifices scolaires.
L'enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées.
(ce jour permettant l'éducation religieuse hors
l'école sera le Jeudi jusqu'en 1969, le Mercredi depuis,
ndlr).
Article 3
Sont abrogées les dispositions des articles 18 et 44 de la loi du 14 mars
1850, en ce qu'elles donnent aux ministres des cultes un droit d'inspection,
de surveillance et de direction dans les écoles primaires publiques et
privées et dans les salles d'asile, ainsi que le paragraphe 2 de l'article
31 de la même loi, qui donne aux consistoires le droit de présentation
pour les instituteurs appartenant aux cultes non catholiques.
Article 4
L'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes,
âgés de six à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans
les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les
écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille
lui-même ou par toute personne qu'il aura choisie.
Un règlement déterminera les moyens d'assurer l'instruction primaire aux
enfants sourds-muets et aux aveugles.
Article 5
Une commission municipale scolaire est instituée dans chaque commune,
pour surveiller et encourager la fréquentation des écoles. Elle se compose
du Maire, président ; d'un des délégués du canton et, dans les communes
comprenant plusieurs cantons, d'autant de délégués qu'il y a de cantons,
désignés par l'Inspecteur d'académie ; de membres désignés par le conseil
municipal, en nombre égal au plus au tiers des membres de ce conseil.
À Paris et à Lyon, il y a une commission pour chaque arrondissement municipal.
Elle est présidée à Paris, par le Maire ; à Lyon, par un des adjoints
; elle est composée d'un des délégués cantonaux et de membres désignés
par l'Inspecteur d'académie, de membres désignés par le conseil municipal,
au nombre de trois à sept par chaque arrondissement. Le mandat des membres
de la commission désignés par le conseil municipal, durera jusqu'à l'élection
d'un nouveau conseil municipal. Il sera toujours renouvelable. L'Inspecteur
primaire fait partie de droit de toutes les commissions scolaires instituées
dans son ressort.
Article 6
Il est institué un certificat d'études primaires ; il est décerné
après un examen public auquel pourront se présenter les enfants dès l'âge
de onze ans. Ceux qui, à partir de cet âge, auront obtenu le certificat
d'études primaires, seront dispensés du temps de scolarité obligatoire
qui leur restait à passer.
Article 7
Le père, le tuteur, la personne qui a la garde de l'enfant, le patron
chez qui l'enfant est placé, devra, quinze jours avant l'époque de la
rentrée des classes, faire savoir au maire de la commune s'il entend faire
donner à l'enfant l'instruction dans la famille ou dans une école publique
ou privée ; dans ces deux derniers cas, il indiquera l'école choisie.
Les familles domiciliées à proximité de deux ou plusieurs écoles publiques
ont la faculté de faire inscrire leurs enfants à l'une ou l'autre de ces
écoles, qu'elle soit ou non sur le territoire de leur commune, à moins
qu'elle ne compte déjà le nombre maximum d'élèves autorisé par les règlements.
En cas de contestation et sur la demande soit du maire, soit des parents,
le Conseil départemental statue en dernier ressort.
Article 8
Chaque année, le maire dresse, d'accord avec la commission municipale
scolaire, la liste de tous les enfants âgés de six ans à treize ans, et
avise les personnes qui ont charge de ces enfants de l'époque de la rentrée
des classes. En cas de non-déclaration, quinze jours avant l'époque de
la rentrée, de la part des parents et autres personnes responsables, il
inscrit d'office l'enfant à l'une des écoles publiques, et en avertit
la personne responsable. Huit jours avant la rentrée des classes, il remet
aux directeurs d'écoles publiques et privées la liste des enfants qui
doivent suivre leurs écoles. Un double de cette liste est adressé par
lui à l'Inspecteur primaire.
Article 9
Lorsqu'un enfant quitte l'école, les parents ou les personnes responsables
doivent en donner immédiatement avis au maire, et indiquer de quelle façon
l'enfant recevra l'instruction à l'avenir.
Article 10
Lorsqu'un enfant manque momentanément à l'école, les parents ou les personnes
responsables doivent faire connaître au directeur ou à la directrice les
motifs de son absence. Les directeurs et les directrices doivent tenir
un registre d'appel qui constate, pour chaque classe, l'absence
des élèves inscrits. À la fin de chaque mois, ils adresseront au maire
et à l'Inspecteur primaire un extrait de ce registre, avec l'indication
du nombre des absences et des motifs invoqués. Les motifs d'absence seront
soumis à la commission scolaire. Les seuls motifs réputés légitimes sont
les suivants : maladie de l'enfant, décès d'un membre de la famille, empêchements
résultant de la difficulté accidentelle des communications. Les autres
circonstances exceptionnellement invoquées seront également appréciées
par la commission.
Article 11
Tout directeur d'école privée qui ne se sera pas conformé aux prescriptions
de l'article précédent, sera, sur le rapport de la commission scolaire
et de l'Inspecteur primaire, déféré au conseil départemental. Le conseil
départemental pourra prononcer les peines suivantes : 1° l'avertissement
; 2° la censure ; 3° la suspension pour un mois au plus et, en cas de
récidive dans l'année scolaire, pour trois mois au plus.
Article 12
Lorsqu'un enfant se sera absenté de l'école quatre fois dans le mois,
pendant au moins une demi-journée, sans justification admise par la commission
municipale scolaire, le père, le tuteur ou la personne responsable sera
invitée, trois jours au moins à l'avance, à comparaître dans la salle
des actes de la mairie, devant ladite commission, qui lui rappellera le
texte de la loi, et lui expliquera son devoir.En cas de non-comparution,
sans justification admise, la commission appliquera la peine énoncée dans
l'article suivant.
Article 13
En cas de récidive dans les douze mois qui suivront la première infraction,
la commission municipale scolaire ordonnera l'inscription pendant quinze
jours ou un mois, à la porte de la mairie, des nom, prénoms et qualités
de la personne responsable, avec indication du fait relevé contre elle.
La même peine sera appliquée aux personnes qui n'auront pas obtempéré
aux prescriptions de l'article 9.
Article 14
En cas d'une nouvelle récidive, la commission scolaire ou, à son défaut,
l'Inspecteur primaire, devra adresser une plainte au juge de paix. L'infraction
sera considérée comme une contravention et pourra entraîner condamnation
aux peines de police, conformément aux articles 479, 480 et suivants du
code pénal. L'article 463 du même Code est applicable.
Article 15
La commission scolaire pourra accorder aux enfants demeurant chez leurs
parents ou leur tuteur, lorsque ceux-ci en feront la demande motivée,
des dispenses de fréquentation scolaire ne pouvant dépasser trois mois
en dehors des vacances. Ces dispenses devront, si elles excèdent quinze
jours, être soumises à l'approbation de l'Inspecteur primaire. Ces dispositions
ne sont pas applicables aux enfants qui suivront leurs parents ou tuteurs,
lorsque ces derniers s'absenteront temporairement de la commune. Dans
ce cas, un avis donné verbalement ou par écrit, au maire ou à l'instituteur,
suffira. La commission peut aussi, avec l'approbation du conseil départemental,
dispenser les enfants employés dans l'industrie et arrivés à l'âge de
l'apprentissage, d'une des deux classes de la journée ; la même faculté
sera accordée à tous les enfants employés, hors de leur famille, dans
l'agriculture.
Article 16
Les enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille doivent, chaque
année, à partir de la fin de la deuxième année d'instruction obligatoire,
subir un examen qui portera sur les matières de l'enseignement correspondant
à leur âge dans les écoles publiques, dans des formes et suivant des programmes
qui seront déterminés par arrêtés ministériels rendus en conseil supérieur.
Le jury d'examen sera composé de : l'Inspecteur primaire ou son délégué,
président ; un délégué cantonal ; une personne munie d'un diplôme universitaire
ou d'un brevet de capacité ; les juges seront choisis par l'Inspecteur
d'académie. Pour l'examen des filles, la personne brevetée devra être
une femme. Si l'examen de l'enfant est jugé insuffisant, et qu'aucune
excuse ne soit admise par le jury, les parents sont mis en demeure d'envoyer
leur enfant dans une école publique ou privée dans la huitaine de la notification,
et de faire savoir au maire quelle école ils ont choisie. En cas de non-déclaration,
l'inscription aura lieu d'office, comme il est dit à l'article 8.
Article 17
La caisse des écoles, instituée par l'article 15 de la loi du 10 avril
1867, sera établie dans toutes les communes. Dans les communes subventionnées
dont le centime n'excède pas 30 francs, la caisse aura droit, sur le crédit
ouvert pour cet objet au ministère de l'Instruction publique, à une subvention
au moins égale au montant des subventions communales. La répartition des
secours se fera par les soins de la commission scolaire.
Article 18 et dernier
Des arrêtés ministériels, rendus sur la demande des Inspecteurs d'académie
et des conseils départementaux, détermineront chaque année les communes
où, par suite d'insuffisance des locaux scolaires, les prescriptions des
articles 4 et suivants sur l'obligation ne pourraient être appliquées.
Un rapport annuel, adressé aux Chambres par le Ministre de l'Instruction
publique, donnera la liste des communes auxquelles le présent article
aura été appliqué.
Fait à Paris, le 28 mars 1882.
Jules Ferry
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